6 Avril 2017
Du statut fiscal spécial accordé aux cadres étrangers transférés temporairement en Belgique.
Où de la Circulaire du 8 août 1983.
Où de la situation lors du départ de Belgique.
Où des étonnantes décisions confidentielles de l'administration centrale.
Deux conclusions et recommandations.
La Circulaire administrative du 8 août 1983 accorde un régime fiscal privilégié à certains cadres étrangers transférés temporairement en Belgique. Ce privilège est illégal et cela fut confirmé par la Cour des comptes.
L'essentiel de ce régime se résume en trois points pour ceux qui sont transférés sur la base d'une rémunération brute:
(1) Pour le calcul de la base imposable est pris en considération, en règle générale, un montant d'indemnités dites propres à l'employeur calculé selon des règles magiques fixées par l'administration et plafonné à 11.250 €.
(2) Le solde de la rémunération brute moins la sécurité sociale moins ces indemnités est multiplié par un pourcentage dont la fraction a comme numérateur le nombre de jours annuels passés en Belgique et comme dénominateur le nombre total de jours potentiels de travail. A nouveau ce calcul s'effectue selon des règles magiques fixées par l'administration.
(3) Les frais scolaires dans une école internationale pris directement en charge par l'employeur ne sont pas traités comme des avantages de toute nature dans le chef des cadres (ce qui a résulté en une démence des prix de ces écoles).
Ce régime se justifie amplement car il faut que notre régime belge de taxation affolant ne puisse être un obstacle à des investissements étrangers. Reste à se demander si des compétences équivalentes ne peuvent être trouvées sur le marché belge ? Je suis fort sceptique à ce propos. Je crains que ce régime ne soit devenu aussi un moyen d'engager des cadres à fort bon marché. Ce n'était pas le but de cette Circulaire mais la Belgique doit faire face à des régimes privilégiés identiques en France, Hollande ... etc. Régimes fort souvent organisés par la Loi.
Ceci étant ce régime a souffert de la régionalisation de la Belgique qui a créé une usine à gaz fiscal fort onéreuse sauf pour les conseils fiscaux qui en font leur chou gras.
Apportons deux interrogations dans ce paysage .
1. Prenons le cas du cadre expatrié étranger licencié le 31 janvier 2017 alors qu'il bénéficie du statut dit spécial.
Supposons qu'il parte rapidement du Royaume de Belgique étant entendu que le terme "rapidement" est un nid à discussions. Il quitte la Belgique comme non résident fiscal (statut fictif dans la majorité des cas puisqu'il est, en droit commun, fort souvent, un vrai résident fiscal belge: épouse, enfants, chiens, pipe, en Belgique uniquement) sous le couvert du statut spécial pour rester un non résident. Il en résulte qu'il devra introduire l'année suivant son départ (en septembre /octobre 2018) une déclaration finale à l'impôt des non résidents pour l'année de revenus 2017.
Ceci devient amusant, pas pour le cadre.
En effet comme non résident fiscal belge il devra mentionner dans la déclaration à introduire en 2018 sa rémunération provenant d'un employeur étranger dont les coordonnées sont à renseigner.
Le cadre qui quitte la Belgique lors d'une année ne comprend pas qu'il faille encore donner des informations après son départ.
Surgit à ce propos une question concernant la rémunération percue d'un employeur étranger pour un séjour, disons, de trente jours de travail en Belgique après son départ.
Cette rémunération doit-elle être déclarée en Belgique ?
Une première approche: le cadre sous le régime du statut spécial ne peut pas bénéficier du bénéfice des conventions préventives de la double imposition. Il doit déclarer ses revenus mondiaux exemptés de taxation en Belgique s'ils résultent d'une activité à l'étranger. Dès lors toute rémunération pour trente jours d'activité en Belgique y est taxable
Une deuxième approche que je partage:
(a) Envisageons la situation du cadre qui, en droit commun, est un résident belge. Il est étiqueté non résident par la Circulaire du 08/08/1983. Jusqu'à son départ de Belgique c'est un non résident fiscal fictif, ensuite c'est un vrai non résident. Comme le statut spécial est lié à l'employeur belge (c'est lui qui le demande) le mode de calcul spécial de la base imposable n'est applicable que pour la rémunération payée par cet employeur belge et ensuite le droit conventionnel retrouve ses droits. Si le cadre travaille, après son départ de Belgique, trente jours en Belgique en étant payé par un employeur étranger sans établissement stable en Belgique cette rémunération ne sera pas taxable en Belgique. Le cadre ne devra mentionner dans sa déclaration belge que la rémunération payée par son employeur étranger nette de sécurité sociale et d'impôt étranger sans être taxable en Belgique. Pour la période suivant son départ le cadre ne devrait plus tenir un agenda de ses jours en Belgique où à l'étranger car ce sont des exigences liées à un statut fiscal spécial qu'il n'a plus depuis qu'il a quitté son employeur belge.
(b) Prenons la situation du cadre qui en droit commun est un non résident belge (épouse, enfants, chiens, pipe, à l'étranger uniquement). Comme le statut spécial est lié à l'employeur belge (c'est lui qui le demande) le mode de calcul spécial de la base imposable n'est applicable que pour la rémunération payée par cet employeur belge et ensuite le droit conventionnel retrouve ses droits. Si le cadre travaille, après son départ de Belgique trente jours en Belgique en étant payé par un employeur étranger sans établissement stable en Belgique cette rémunération ne sera pas taxable en Belgique. Le cadre devra mentionner dans sa déclaration belge la rémunération payée par son employeur étranger nette de sécurité sociale et d'impôt étranger sans être taxable en Belgique. Pour la période suivant son départ jusqu'à la fin de l'année le cadre ne devra plus tenir un agenda de ses jours en Belgique où à l'étranger car ce sont des exigences liées à un statut fiscal spécial qu'il n'a plus depuis qu'il a quitté son employeur belge. .
L'administration centrale s'est-elle déjà prononcée sur le sujet ? Si oui cet avis fut confidentiel.
Quant à l'obligation d'attendre une année pour introduire sa déclaration fiscale couvrant toute l'année de son départ je soutiens qu'eu égard au paysage même du statut spécial le cadre qui quitte la Belgique en cours d'année devrait pouvoir introduire une déclaration fiscale belge spéciale de non résident pour la période courant jusqu'à son départ si ce cadre est en droit commun un résident fiscal belge.
En effet la Circulaire du 8 août 1983 crée une fiction. On colle sur un cadre l'étiquette "non-résident fiscal belge" alors qu'il est en droit commun un résident fiscal belge. Maintenir cette fiction lors de son départ pour soutenir qu'il maintient son statut de non-résident fiscal l'année de son départ et qu'en conséquence sa dernière déclaration sera à introduire en septembre de l'année la suivant n'a d'autre effet que d'augmenter la surcharge de travail du cadre et de l'administration. C'est contre-productif et n'apporte pas un euro de plus à l'Etat sauf pour les conseils fiscaux quoique expliquer à un cadre quittant définitivement la Belgique qu'il doit attendre une bonne année pour clôturer son dossier fiscal belge n'est pas chose aisée.
2. Est-il normal que l'administration centrale du Ministère des finances gérant la question des non-résidents prenne des décisions étonnantes sans que cela ne soit publié ? Pourquoi exiger une transparence totale du Service des Décisions Anticipées et non pour les décisions prises par l'administration centrale ?
Est-il ainsi normal qu'un cadre payé sur la base d'une rémunération nette ayant quitté la Belgique soit exonéré de toute obligation d'introduire une déclaration fiscale lorsque son employeur belge paie à l'Etat son impôt à raison, par exemple, de 100.000 € pour autant que cette dépense soit reprise en dépense non admise ? Est-il normal que cette facilité soit accordée confidentiellement par l'administration ?
La réponse est évidente.
Conclusions / recommandations:
1. Vous, cadres étrangers, devez privilégier le transfert en Belgique sur la base d'une rémunération nette car en Belgique la fiscalité change trop souvent.
2. Soyez attentifs lorsque votre dossier fiscal est géré par un conseil payé par votre employeur car on ne peut servir l'employeur et l'employé. L'honnêteté va vers le payeur. Vous risquez d'être le dindon de cette ambiguité particulièrement dans des situations complexes de rémunération sur la base d'un net car il peut en résulter que votre impôt soit payé directement par la société ce qui résulte en une rémunération pour vous. Quelque soit votre mode de rémunération en bout de course vous seul êtes responsable et débiteur de votre impôt face à l'Etat. Veillez à toujours avoir votre dossier fiscal dans vos mains et à jour. Tout doit vous être communiqué et les documents fiscaux doivent vous être envoyés directement par l'Etat.
Stephen G Hürner