29 Avril 2018
Nice le 29 avril 2018
Dans le contexte du transfert de leurs cadres en Belgique les sociétés américaines ont privilégié l’effectuer dans le contexte d’un schéma dit d’égalisation fiscale.
Ce qui revient à dire que la société leur garantit qu’ils auront le même net en poche lors de leur transfert que celui qu’ils auraient eu s’ils étaient restés aux USA. Pour ce faire s’ils ont une rémunération brute de 100.000 aux USA la société leur retient un montant correspondant aux taxes américaines qu’ils auraient payées en l’absence de tout transfert. C’est ce qu’on appelle la taxe hypothétique, « l’hypothetical tax ». Simultanément l’employeur s’engage à leur payer tous leurs impôts sur les revenus, belges ou américains. Ce système, bien souvent, décrit dans des brochures (infra 1) de plusieurs dizaines de pages remises aux cadres est intéressant (a) en ce qu’il protège le cadre de tout impact fiscal négatif à la suite de leur transfert et (b) les décharge de la gestion de leur fiscalité. Toutefois il peut s’avérer fort coûteux pour l’employeur puisque le paiement par l’employeur (infra 2) de l’impôt belge est de la rémunération (infra 3) augmentant le montant brut payé au cadre et sa base imposable belge. Si l’on prend une rémunération brute de départ de 100.000, d’une taxe étrangère hypothétique de 20 la base imposable à T=0 sera de 80 d’où en résultera un impôt de, disons, 30. Suite au paiement de l’impôt de 30 par la société la base imposable passe à T=1 à 110 et l’impôt, disons à 40…. Etc. C'est ce que l'on appelle le "Snow Ball effect" ou l'effet boule de neige où le cadre voit sa rémunération brute augmenter sans que sa rémunération nette en poche ne varie en raison du fait, pour prendre une image, qu'il paie l'impôt sur l'impôt. En conséquence tout schéma d’égalisation fiscale ne peut être envisagé que dans le cadre de transferts de courte durée (3 à 5 ans). Dans ce contexte l’impact de la taxation belge sera fortement diminué si le cadre bénéficie de la Circulaire du 8 août 1983 garantissant un statut spécial aux cadres transférés temporairement en Belgique et qu'il voyage de façon significative.
Au contraire des USA les pays européens ont privilégié les transferts sur la base d’une augmentation de la rémunération brute.
Ce qui aboutit à intégrer, le temps du transfert, dans le calcul de la rémunération brute, l’augmentation d’impôt résultant du transfert en Belgique de telle sorte à ce que le cadre conserve sa rémunération nette « en poche ». Ce mode de calcul étant expliqué au cadre, il l’agrée et il fait son affaire de l’impôt belge à payer.
Ces deux grands schémas de transferts ont des modalités d’application aussi nombreuses que ce que les sociétés et leurs conseils peuvent imaginer mais on peut estimer que ces variantes s’intègrent dans les deux grands schémas d’une égalisation fiscale ou de celui de la rémunération brute.
Là où l’on ouvre la porte au Diable est lorsque l’on mélange les deux systèmes lors d’un détachement d’un pays à l’autre ou d’un fractionnement de salaires. Conserver, par exemple, pour un emploi dans le pays de résidence le schéma de la rémunération brute et appliquer un schéma d’égalisation fiscale dans l’autre pays va créer des situations fiscales complexes qui trop souvent échappent aux sociétés, aux cadres pour n’être comprises que par les conseils extérieurs et encore.
Puisque notre époque est celle de la création d’incessantes contraintes ne faudrait-il pas envisager la création d’un R.G.P.F.C.D ? J’entends par là un Règlement Général de Protection Fiscale du Cadre Détaché ? Ce Règlement décrirait de façon transparente avant chaque transfert tous ses éléments tels que (i) qui paie quoi, (ii) quelles sont les indemnités remboursées, (iii) les aspects fiscaux et sociaux (infra 4), (iv) les obligations du cadre en matière de documentation de ses séjours…Etc. Le cadre aurait la possibilité de faire valider ce schéma par un conseil de son choix aux frais de la société dans le cadre d’un budget défini. A défaut de ce R.G.P.F.C.D signé préalablement au transfert tout impact fiscal négatif résultant de ce transfert sera totalement supporté par la société et, ce, net d’impôts pour le cadre.
Stephen G Hürner
(1) Cette brochure est impérieuse car il faut régler une foultitude d’autres points dont le sort du bonus accordé au cadre à la suite de son transfert (ou d’une augmentation de rémunération), du mode de calcul de la taxe hypothétique américaine (quels sont les éléments qui vont intervenir dans ce calcul ?), du sort des divers remboursements de frais tels que les loyers (ou limités à leur hausse), du coût de la vie … etc.
(2) En gardant à l’esprit que les situations de détachement créent des situations complexes où l’on peut se trouver en présence d’un partage des fonctions attribuées d’habitude à un seul employeur. Dans ce contexte la rémunération peut continuer à être payée par l’employeur américain, refacturée sous une forme ou une autre alors que l’impôt belge sera directement payé au SPF Finances par l’employeur belge.
(3) Corrigeons une erreur assez fréquente : le paiement de l’impôt belge (ou étranger) d’un cadre n’est pas un avantage de toute nature mais le paiement en espèces d’une rémunération. Il impactera directement la base imposable taxable en Belgique dans le respect des conventions préventives de la double imposition puisque ce paiement par la société est de la rémunération. Ceci soulève un point intéressant si le cadre ne bénéficie pas du statut spécial accordé aux cadres transférés temporairement en Belgique à savoir que l'employeur de droit belge devra retenir le précompte professionnel à l'occasion de son paiement de l'impôt du cadre en mentionnant impérieusement ce paiement et ce précompte sur la fiche de salaire du cadre. Ce qui revient, par exemple, à ce que pour pouvoir payer 30.000 € d'impôts au SPF Finances il devra déclarer une rémunération brute de 50.000 €moins un précompte professionnel de 20.000 €. En règle générale il y aura une augmentation de la base imposable si cette rémunération couvre l’exercice d’une activité sur le territoire belge. Certes c’est un peu plus complexe mais ce point n’est pas l’objet de la présente note.
(4) L'aspect social est trop souvent oublié. Le cadre avec sa société, par exemple résident français avec un employeur français venant partiellement travailler en Belgique pour un employeur belge oublie trop souvent les conséquences de l'inobservation du Règlement européen 883/2004. Venant travailler en Belgique et travaillant en France il n'est soumis qu'à un seul régime de sécurité sociale. Rien ne dit que c'est d'office le régime français et qu'il n'y a pas des formalités à accomplir.