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StephenHurner.com

Actualités fiscales et diverses en France .

183 jours: est-ce le Graal pour déterminer le lieu d’une résidence fiscale entre deux pays ?

A la suite du décès récent d’un très bel artiste nous avons entendu sur les supports télévisés pas mal d’erreurs. Il fut, notamment, dit que dès lors que cet artiste aurait résidé plus de 183 jours par an hors de son pays officiel de résidence il ne serait plus résident fiscal de ce pays selon le droit conventionnel. Il n’est pas, ici, question du droit commun des Etats concernés.

Interrogeons-nous sur ces 183 jours.

Le concept de résidence fiscale entre deux pays ayant signé une convention fiscale préventive de la double imposition (en matière d’impôts sur les revenus, les droits successoraux relevant d’autres accords) n’est pas influencé par une présence de 183 jours.

La résidence fiscale se définit comme étant le « domus » (le lieu de la famille), l’endroit où « le guerrier revient après ses combats ». Il s’agit de déterminer quel est cet endroit. Pour une personne mariée cela sera relativement aisé. Si elle travaille seule dans un pays donné (exemple la Belgique), sa famille restant en France (exemple) où elle retourne régulièrement je vois mal comment la Belgique pourrait soutenir qu’elle est résidente fiscale belge car « elle passe plus de 183 jours en Belgique ». Si elle est célibataire déterminer où se trouve sa résidence fiscale devient plus difficile. Il en est de même de la personne mariée dont la famille la suit dans son pays de travail, fusse temporairement.

C’est pour régler ce point que les conventions préventives de la double imposition ont un article spécifique consacré à la question de la résidence fiscale. Il n’y est pas question d’un chiffre d’or de 183 jours de présence.

Si nous prenons, par exemple, les conventions préventives de la double imposition entre la Belgique et les USA, la Suisse et la France nous constatons que la définition de la résidence fiscale ne requiert pas 183 jours de présence dans le pays considéré comme étant le pays de résidence (1). Il en est de même des conventions avec l’Allemagne (article 4), l’Espagne (article 4) et les Pays-Bas (article 4).

Mais alors d’où vient ce chiffre ?

Il provient d’un autre article des conventions préventives de la double imposition qui en règle, sans entrer dans le détail, dit que la personne résidente fiscale d’un autre Etat (supposons la France) et travaillant (physiquement) sur le territoire de la Belgique y est taxable sur la rémunération en résultant sauf si son employeur n’est pas situé en Belgique, que ce dernier n’y a pas d’établissement stable (disons succursale) et qu’elle n’y séjourne pas 183 jours au moins. Le chiffre magique est mentionné mais il n’a trait qu’à la problématique de la taxation de la rémunération, indépendante de celle de la résidence fiscale.

Reprenons le cas de la convention avec la France quoique atypique mais illustrant notre propos. L’article 11 spécifie que :

1. Sous réserve des dispositions des articles (…) de la présente convention, les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'État contractant sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus.

2. Par dérogation au paragraphe 1er ci-dessus :

         a) Les traitements, salaires et autres rémunérations ne peuvent être imposés que dans l'État contractant dont le salarié est résident, lorsque les trois conditions suivantes, sont réunies :

                  1° le bénéficiaire séjourne temporairement dans l'autre État contractant pendant une ou plusieurs périodes n'excédant pas cent quatre-vingt-trois jours au cours de l'année civile ;

                   2° sa rémunération pour l'activité exercée pendant ce séjour est supportée par un employeur établi dans le premier État ;

                   3° il n'exerce pas son activité à la charge d'un établissement stable ou d'une installation fixe de l'employeur, situé dans l'autre État ;

                   b) ./.

                   c) Les dispositions des paragraphes 1 et 2, a) et b) s'appliquent sous réserve des dispositions du Protocole additionnel relatif aux travailleurs frontaliers.

C’est au stade de la détermination du pouvoir de taxation de la rémunération qu’est mentionné le chiffre de 183 jours.

     A) Prenons la situation d’un salarié résident fiscal en France qui y est employé (dans le cadre du télétravail sur le territoire français) par une société de droit belge au moins 183 jours par an sous l’hypothèse que l’employeur de droit belge n’a pas d’établissement stable en France.

 Qu’en penser ?

 i.   Le fait qu’il soit en France 100,120, 180 ou 200 jours par an n’est pas déterminant puisqu’il est résident fiscal français.

  ii. Il sera exclusivement et directement taxé en France sur la rémunération payée par l’employeur belge pour son activité exercée sur le territoire français sur base de la règle générale à savoir l’article 11,1 de la Convention franco-belge préventive de la double imposition.

     B) Prenons la situation d’un salarié résident fiscal en Belgique, disposant d’une habitation sur le territoire français où il y télétravaille au moins 183 jours par an pour une société de droit belge sans établissement stable en France.

 Qu’en penser ?

       a. Le fait qu’il soit en France plus ou moins 183 jours est, désormais, déterminant.

        1.  S’il travaille en France au moins 183 jours il y sera taxé directement sur la rémunération payée par l’employeur belge pour son activité exercée sur le territoire français sur base de la règle générale à savoir l’article 11,1 (peu importe l'hypothèse de l'absence d'établissement stable en France).

Comme résident fiscal belge (hypothèse de départ) il devra déclarer en Belgique la rémunération brute (moins la sécurité sociale moins l’impôt français) comme rémunération résultant de l’exercice d’une activité professionnelle sur le territoire d’un pays avec lequel la Belgique a signé une convention préventive de la double imposition et exemptée en Belgique sous la réserve de la clause de progressivité.

         2.  S’il travaille en France moins de 183 jours il n’y sera pas taxé sur la rémunération payée par l’employeur belge pour son activité exercée sur le territoire français sur base de la dérogation à la règle générale à savoir l’article 11,2, a),1° – en supposant qu’un télétravail en France ne donne pas lieu à la naissance d’un établissement stable de la société belge en France, ce qui est un autre débat-. Comme résident fiscal belge (hypothèse de départ) il devra déclarer totalement en Belgique la rémunération brute résultant de l’exercice d’une activité professionnelle sur le territoire d’un pays avec lequel la Belgique a une convention préventive de la double imposition. Ladite rémunération étant directement taxée en Belgique.

       b. Est-ce que l’employé en changeant de domicile et / ou en soutenant qu’il dispose d’une habitation en France où il y passe au moins 183 jours par an pourrait devenir résident fiscal français et cela changerait-il quelque chose à la taxation de ses revenus professionnels ?

                    (i) Le fait de disposer d’une habitation en France et d’y travailler au moins 183 jours par an ne sont pas des éléments venant déterminer de façon catégorique la résidence fiscale en droit conventionnel. Il en est de même du « domicile ». Ces éléments interviendront dans la détermination d’une résidence fiscale en France mais 183 jours de présence n’est pas un critère absolu ni légal. Il naît d’une confusion, comme expliqué supra, entre deux articles des conventions préventives de la double imposition.

                   (ii) A supposer que l’employé veuille changer de résidence fiscale (de Belgique en France) telle que définie par le droit conventionnel, cela aurait pour effet qu’il serait directement taxable en France sur la rémunération résultant de son télétravail exercé sur le territoire français et qu’il ne le serait plus en Belgique. Comme, sous ce point B, nous supposons qu’il travaille en France, en étant résident fiscal belge, au moins 183 jours par an, l’employé n’a, de prime abord, pas d’intérêt fiscal à changer de résidence fiscale de Belgique en France puisqu’il y est déjà taxable sur sa rémunération de source française sauf à analyser les avantages d’une taxation en France d’un revenu professionnel de source française comme résident fiscal français au lieu de non-résident fiscal français.

       c. Notons que si l’employé de la société belge travaillant en télétravail en France le fait durant moins de 183 jours et qu’il change de résidence fiscale de Belgique en France cela pourrait s’avérer, sous le seul angle fiscal, avantageux puisque cela aurait pour effet qu’il deviendrait directement taxable en France sur la rémunération résultant de son télétravail exercé sur le territoire français et qu’il ne le serait plus en Belgique.

En conclusion je soutiens que le chiffre 183 est à oublier du concept de résidence fiscale: le nombre de jours de présence dans un pays peut être un des éléments déterminant une résidence fiscale mais pas bloqué à 183.

Stephen G Hürner - Ier juillet 2018.

(1)

A. Dans la convention entre le Royaume de Belgique et les USA c’est l’article 4 qui définit ce qu’est un résident fiscal de l’un des deux pays. En bref il y est dit (je résume) que :

1. Un « résident d'un Etat contractant » désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de sa citoyenneté, … ».

2. Une personne physique qui est un citoyen des Etats-Unis ou un étranger admis à résider de manière permanente aux Etats-Unis (le détenteur d'une « green card ») n'est considéré comme un résident des Etats-Unis que si cette personne physique a une présence substantielle (substantial presence) ou un foyer d'habitation permanent aux Etats- Unis ou si elle y séjourne de façon habituelle ./.

3. ….

4. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1er, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :

         a) cette personne est considérée comme un résident seulement de l'Etat où elle  dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer     d'habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un      résident seulement de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques   sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ;

         b) si l'Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats, elle est considérée comme un résident seulement de l'Etat où elle séjourne de façon habituelle ;

         c) si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux Etats ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme  un résident seulement de l'Etat dont elle possède la nationalité ;

         d) si cette personne possède la nationalité des deux Etats ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des Etats contractants s'efforcent de trancher la question d'un commun accord.

         5./.

B.  Dans la convention entre le Royaume de Belgique et la Suisse c’est l’article 4 qui définit ce qu’est un résident fiscal de l’un des deux pays. En bref il y est dit (je résume) que :

§ 1er. Au sens de la présente Convention, l'expression "résident d'un Etat contractant" désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence ./.

§ 2. Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1er, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :

         a) cette personne est considérée comme un résident de l'Etat où elle dispose d'un foyer d'habitation permanent ; si elle dispose d'un foyer d'habitation  permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre   des intérêts vitaux) ;

         b) si l'Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d'un foyer d'habitation permanent dans aucun des Etats, elle est considérée comme un résident de l'Etat où elle séjourne de façon habituelle ;

         c) si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux Etats ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'Etat dont elle possède la nationalité ;

         d) si cette personne possède la nationalité des deux Etats ou si elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des Etats contractants tranchent la question d'un commun accord.

./.

§ 4. N'est pas considérée comme un résident d'un Etat contractant au sens du présent article./.

C.  Dans la convention entre le Royaume de Belgique et la France c’est l’article 1er, 2° qui définit ce qu’est un résident fiscal de l’un des deux pays. En bref il y est dit (je résume) que :

2. Une personne physique est réputée résident de l'État contractant où elle dispose d'un foyer permanent d'habitation.

         a) Lorsqu'elle dispose d'un foyer permanent d'habitation dans chacun des États contractants, elle est considérée comme un résident de l'État contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits, c'est-à-dire de 'État contractant où elle a le centre de ses intérêts vitaux ;

         b) Si l'État contractant où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut être déterminé, elle est considérée comme un résident de l'État contractant où elle séjourne de façon habituelle ;

         c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans chacun des États contractants ou qu'elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d'eux, elle est considérée comme un résident de l'État contractant dont elle possède la nationalité ;

         d) Si cette personne possède la nationalité de chacun des États contractants ou qu'elle ne possède la nationalité d'aucun d'eux, les autorités compétentes des États contractants tranchent la question d'un commun accord.

         ./.

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