26 Août 2018
La Loi du 25 décembre 2017 (MB 29.12.2017-page 116422) poursuit une perversion instaurée depuis longtemps par l’article 444 du C.I.R 1992, dans le nouvel article 207, 7ème alinéa du Code des Impôts sur les revenus de 1992 (C.I.R 1992) applicable à partir de l’exercice d’imposition 2019 dès lors qu’il augmentera vos impôts en fonction, dans certains cas, de quoi ou de qui ?
Dans le cadre de la loi du 25 décembre 2017 dite de réforme de l'impôt des sociétés le législateur a introduit (à titre de mesure compensatoire de la réduction du taux à l'impôt des sociétés) une ‘ Imposition effective des suppléments à la suite de contrôles fiscaux ’. Selon le nouvel article 207, alinéa 7 C.I.R. 1992 :
« Aucune de ces déductions (ndlr: visées aux articles 199 à 206, 536 et 543) ou compensation avec la perte de la période imposable ne peut être opérée sur la partie du résultat ..... qui fait l'objet d'une rectification de la déclaration visée à l'article 346 ou d'une imposition d'office visée à l'article 351 pour laquelle des accroissements d'un pourcentage égal ou supérieur à 10 p.c. visés à l'article 444 sont effectivement appliqués, à l'exception dans ce dernier cas des revenus déductibles conformément à l'article 205,§2 » (je souligne).
Cette mesure m'interpelle car si instaurer une mesure fiscale qui refuse l'imputation des pertes est une prérogative du législateur il reste à déterminer si la prendre dans des conditions où elle est liée, dans certains cas, à la seule appréciation, mais de qui, est constitutionnelle ?
L'application d'un article du Code des impôts sur les revenus fixant un impôt dépend ainsi, dans certaines situations, sur base de l’article 444 du C.I.R 1992, de la question de savoir s’il y a mauvaise foi étant donné qu’aucun critère objectif ni autre ne la définit. Cela ne se peut dès lors que l’article 170, § 1er de la Constitution stipule qu’ « Aucun impôt au profit de l'état ne peut être établi que par une loi ». Or, l’article 207, alinéa 7 CIR 1992 nouveau, lié à l’article 444 CIR 1992, voit, dans certains cas, son application relever de la seule appréciation mais de qui ?
Cette dépendance n’est pas compatible avec l’article 170, §1er de la Constitution. Pouvons-nous imaginer qu’un article du Code des Impôts sur les revenus stipule « l’impôt sera dû si Monsieur Tartempion, le décide » ? Certes non et pourtant c’est bien l’effet du nouvel article 207, alinéa 7 CIR 1992, résultant de son lien avec l’article 444 C.I.R 1992.
La récente mesure fiscale voit, en effet, son application couplée à celle de l'article 444 du C.I.R. 1992. Or, ce dernier prévoit depuis des années qu'en cas de déclaration incomplète ou inexacte les impôts dus sur la portion des revenus non déclarés sont majorés d'un accroissement fixé d'après la nature et la gravité de l'infraction selon une échelle dont les graduations sont déterminées par le Roi allant de 10 p.c. à 200 p.c. des impôts additionnels. Le même article de loi stipulant qu’ « en l'absence de mauvaise foi, il peut être renoncé au minimum de 10 p.c. d'accroissement". C'est dans ces derniers mots que le bât blesse car qui va décider s'il y a mauvaise foi ou non ? Il y a nombre de décisions, d'arrêts en jurisprudence où la question complexe de déterminer quand il y a mauvaise foi fut abordée (voir note infra).
Le nouvel article 207, alinéa 7 CIR 1992 aura pour effet d'augmenter vos impôts en étant lié à un critère subjectif puisque évalué par un contrôleur dans le cadre de faits dont il aura la seule appréciation, certes sous le contrôle d’un juge (soit dix années de procès). Ceci est confirmé dans les Rapports de la Commission des finances - DOC 54 2839/010 - page 59 & DOC 54 2864/003 - page 159 : " Cette mesure d’imposition effective n’est applicable que lorsqu’un supplément d’impôt est effectivement imposé. Cela signifie que dans les cas où il y a un supplément d’impôt de 10 %, mais que celui-ci n’est pas effectivement appliqué – par exemple s’il n’est pas question de mauvaise foi ou dans le cas de discussions de principe – cela n’entraînera pas une dépense fiscale effective pour le contribuable. Une marge d’appréciation est donc bien maintenue pour le fonctionnaire compétent dans un certain nombre de cas" (je mets en caractères gras).
L’on m’objectera que cet article 444 C.I.R 1992 prévoit depuis des lunes qu’en cas d'absence de mauvaise foi il peut être renoncé au minimum de 10 p.c d’accroissement, ce indépendamment de l’arrêté royal d’application dont les pouvoirs ne couvrent pas ce point. Depuis des lunes le Code des impôts sur les revenus stipule qu’en cas d'absence de mauvaise foi, notion non définie, il peut être renoncé à l’application effective des seuls 10% d’accroissement par le seul bon vouloir d’un agent du SPF Finances.
A mon sens depuis des lunes cet article 444 du Code viole la Constitution.
Il n’empêche que le nouvel article 207, 7ème alinéa du Code des Impôts sur les revenus de 1992, aboutissant à un impôt et non un accroissement d’impôt, sera dans certaines situations applicable par le SPF Finances sur la base d’une notion non définie ni objectivée, bref sur base de la seule décision, humaine et subjective, d’un contrôleur fiscal. En ce sens il ne peut être accepté.
Stephen G Hürner
Note: Voir : Arrêt de la Cour d'appel de Mons dd. 28.06.2002, Jugement du Tribunal de première instance de Mons du 12.03.2003, Jugement du Tribunal de Première Instance de Luxembourg dd. 24.06.2015