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StephenHurner.com

Actualités fiscales et diverses en France .

Notre Conseil d’État nous surprend.

Dans le rapport au Roi précédant la publication au Moniteur belge du 13 mai 2019 de l'Arrêté royal du 2 mai 2019 modifiant l'Arrêté Royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus (C.I.R) de 1992 en exécution de l'article 145 3/1, § 1er, alinéa 2, 2°, C.I.R 1992 nous lisons deux points de l'avis 65.791/3 du 25 avril 2019 du Conseil d’État qui nous laissent à quia (1).

Notons que l'article 145 3/1 du Code des impôts sur les revenus de 1992 a été inséré en 2018 (loi du 18 février 2018) et est applicable à partir de l'exercice d'imposition 2019 (soit dés l'année de revenus 2018).

L'Arrêté Royal exécutant cet article est donc pris et publié en 2019 (année de revenus 2019) soit, de facto, avec un effet rétroactif puisqu'il sort ses effets lors de l'année de revenus 2018 (exercice d'imposition 2019).

Les deux points de l'avis du Conseil d’État.

"1. Compte tenu du moment où le présent avis est donné, le Conseil d’État attire l'attention sur le fait qu'en raison de la démission du Gouvernement, la compétence de celui-ci se trouve limitée à l'expédition des affaires courantes. Le présent avis est toutefois donné sans qu'il soit examiné si le projet relève bien de la compétence ainsi limitée ... Etc". (je mets en caractères gras).
"6. L'article 2 du projet dispose que l'arrêté envisagé "produit ses effets à partir de l'exercice d'imposition 2019". Cette disposition s'accorde avec l'entrée en vigueur de la loi qui a instauré l'avantage fiscal (1). En conséquence et, eu égard à la formulation de l'article 145 3/1, § 1er, alinéa 2, 2°, du Code C.I.R 92, d'où il ressort que l'exécution par le Roi est nécessaire pour rendre l'avantage fiscal effectif, la rétroactivité peut être admise." (je mets en caractères gras). Nous apprécions le bémol du Conseil d’État : "Cependant, en négligeant de pourvoir à son exécution dans un bref délai après l'élaboration du nouveau dispositif législatif, la sécurité juridique a été compromise. Ce n'est en effet qu'après la publication de l'arrêté d'exécution envisagé que les contribuables pourront constater à combien pouvaient s'élever les cotisations et primes pour l'exercice d'imposition 2018 pour bénéficier de la réduction d'impôt. En l'occurrence, une exécution rapide était nécessaire afin de garantir que le contribuable puisse profiter pleinement de l'avantage fiscal voulu par le législateur pour l'exercice d'imposition 2019." (2)

Le Conseil d’État met en exergue:

(a) qu'il s'agit d'un Arrêté Royal pris et publié par un gouvernement en affaires courantes. Était-ce bien dans les pouvoirs de ce gouvernement ? Le Conseil d’État soulève la question mais n'y répond pas. Pourquoi ?

(b) qu'il s'agit d'un Arrêté Royal qui a un effet rétroactif. Tout en soulignant l'insécurité juridique de cette situation le Conseil d’État le cautionne pour un motif qui nous paraît surprenant. Selon l'éminente institution cet Arrêté Royal (publié en 2019) est "nécessaire pour rendre l'avantage fiscal effectif," pour rendre opérationnel l'article du C.I.R. 1992 applicable dés l'année de revenus 2018. Motif surprenant puisque n'est-ce pas le rôle de tout Arrêté Royal d’exécuter l'article du C.I.R 1992 qui lui a attribué une mission? Il est évident que tout Arrêté Royal est "nécessaire" pour qu'un article du C.I.R. 1992 remplisse le but voulu par le législateur si une dévolution au Roi fut donnée.

La motivation du Conseil d’État pour justifier cette rétroactivité (Arrêté Royal publié au Moniteur belge de 13 mai 2019 pour exécuter un article du C.I.R 1992 entrant en vigueur en 2018) conduit, si elle devait être acceptée, à des conséquences aberrantes.

Prenons, par exemple, les sanctions imposées aux contribuables en cas de non respect de l'article 307, §1er/2 C.I.R 1992 dont le troisième alinéa stipule que "La liste des États à fiscalité inexistante ou peu élevée est fixée par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres. Cette liste est mise à jour par arrêté royal délibéré en Conseil des ministres". Cet article 307,§1er/2 C.I.R 1992 n'étant jamais que l'article 307,§1er,alinéa 5 C.I.R 1992 (Loi du 01.07.2016-MB 04.07.2016 2ème édition) entrant en vigueur le 01.07.2016 modifié par la Loi du 25.12.2017 (MB 29.12.2017) entrant en vigueur le 01.01.2018.

Le lecteur se référera pour ce qui est de l'article 307,§1er,alinéa 5 C.I.R 1992 à ma note du Ier juin 2017. Ledit article sortait ses effets à partir du Ier juillet 2016. Pour certaines de ses dispositions l'article 179 de l'Arrêté Royal d'exécution du C.I.R 1992 devait être modifié et entrer en vigueur le Ier juillet 2016. Il ne le fut jamais à telle enseigne qu'à ce jour, 13 mai 2019, il ne l'est pas encore. A suivre le raisonnement du Conseil d’État l'article 179 de l' A.R. pouvait être modifié lors de l'année de revenus 2017 avec un effet au Ier juillet 2016 alors même que les déclarations à l'impôt des sociétés étaient déjà introduites et que le délai pour envoyer les fiches ad hoc était échu.

Depuis lors l'article 307,§1er,alinéa 5 C.I.R 1992 est devenu l'article 307,§1er/2 C.I.R 1992. Cette modification entre en vigueur le Ier janvier 2018. Néanmoins l'article 179 de l' A.R exécutant le C.I.R 1992 reste celui publié au Moniteur belge du 11 mars 2016 soit antérieurement aux modifications apportées par le Législateur fiscal à l’article 307,§1er,5ème alinéa C.I.R 1992 (à ce jour à l'article 307, § 1er/2 C.I.R 1992).

Je soutiens que l'Arrêté Royal publié au Moniteur belge de ce jour est illégal de par sa rétroactivité qui ne peut être admise.

(1) Nous retrouvons le même raisonnement du Conseil d’État dans son avis 65.710/3 du 25 avril 2019 sur le projet Arrêté royal modifiant l'AR /C.I.R 92 en ce qui concerne la réduction d'impôt pour les dépenses exposées dans le cadre d'une procédure d'adoption visée à l'article 145/48 du Code des impôts sur les revenus 1992. Arrêté royal du 2 mai 2019 publié au Moniteur belge du 14 mai 2019.

(2) En notant que la sécurité juridique est compromise par la rétroactivité de l'Arrêté Royal publié au Moniteur belge du 13 mai 2019 mais en l'admettant est-ce que le Conseil d’État respecte son propre enseignement tel que mentionné dans son manuel de "Principes de technique législative 2008" à la page 127, 3ème alinéa - Partie 4, Chapitre 4, Rétroactivité, toujours actuel ?

Stephen G Hürner

 

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