7 Juin 2020
Le gouvernement a déposé ce 5 juin 2020 à la Chambre des Représentants un projet de Loi portant des dispositions fiscales afin de promouvoir la liquidité et la solvabilité des entreprises dans le contexte de la lutte contre les conséquences économiques de la pandémie de COVID-19.
Il comprend trois mesures fiscales qui se résument brièvement comme suit :
(a) Les sociétés peuvent créer en exonération d'impôt lors de leur exercice comptable se clôturant du 13 mars 2019 au 12 mars 2020 une réserve, non comptable, à concurrence du montant de la perte anticipée de l'exercice d'imposition suivant (2020 ou 2021) limitée au résultat de la période imposable et à 20 millions d'Euros, à reprendre lors de l'exercice d'imposition de réalisation de la perte, ce dans la déclaration fiscale uniquement.
(b) Les sociétés peuvent comptabiliser en exonération d'impôts lors des exercices d’imposition 2022, 2023 ou 2024, une réserve intangible à raison du montant de la perte d’exploitation de l’exercice comptable clôturé en 2020 limitée à 20 millions d’euros (voir infra pour les clôtures antérieures au 12 mars 2020). Cette réserve restant comptabilisée au passif jusqu'à la liquidation de la société.
(c) Les personnes physiques peuvent imputer sur l'année de revenus 2019 la perte escomptée lors de l'année de revenus 2020. Cette exonération sera reprise lors de l'année de revenus 2020.
Commentées plus en détail.
A. Possibilité de (déjà) imputer le résultat négatif escompté lors de l'exercice d’imposition 2020 ou 2021 sur le résultat de l'exercice d'imposition antérieur - 2019 ou 2020 (exercice comptable clôturé du 13 mars 2019 au 12 mars 2020 ) -. Ceci se fera par la création d'une réserve exonérée temporaire qui sera reprise dans la base imposable de l'exercice suivant de telle sorte que la perte professionnelle encourue en raison de la crise sera compensée par ledit montant. Elle ne pourra pas dépasser le résultat de la période imposable ni 20 millions d’euros. La partie de l’écart éventuel entre le montant exonéré puis repris et la perte professionnelle réellement supportée pour la période suivant celle de l’exonération dépassant 10 p.c. se verra appliquer une pénalité sous la forme d’une cotisation spéciale. A noter (i) que sur le plan fiscal, le montant exonéré - sous condition de réalisation d'une perte ultérieure - ne doit pas être porté/comptabilisé à un compte distinct du passif et (ii) que l'économie d’impôt n’est enregistrée dans les comptes annuels que lors de l’exercice ultérieur soit celui au cours duquel la perte est effectivement réalisée. Ces deux points permettent de bénéficier de cette mesure même si les comptes ont déjà été déposés puisque tout se joue dans la déclaration fiscale y relative. Pour les exercices d’imposition pour lesquels l’impôt des sociétés a déjà été enrôlé au moment de l’entrée en vigueur de la mesure, les contribuables pourront demander une modification. Dans les autres cas, ils pourront demander la modification de leur déclaration à l’impôt des sociétés, ou si celle-ci n’est pas rentrée au moment de l’entrée en vigueur de la présente disposition, demander l’exonération au moment de compléter cette déclaration. Ce régime ne peut pas être appliqué par une société qui attribue ou distribue des dividendes, achète des actions ou parts propres et/ou procède à une diminution de capital durant la période du 12 mars 2020 jusqu’au jour de l’introduction de la déclaration relative à l’exercice d’imposition 2021. Les sociétés en difficulté au sens du C.I.R 1992 sont exclues de la mesure comme d'autres types de sociétés compte tenu de leur régime fiscal particulier ainsi que les sociétés qui détiennent une participation directe dans une société établie dans un paradis fiscal ou qui effectuent des paiements à des sociétés établies dans un paradis fiscal sauf en cas de justification de ces paiements sur la base des critères prévus par la Loi.
B. Possibilité, lors des exercices d’imposition 2022, 2023 ou 2024, de constituer une réserve comptable dite de reconstitution sous la forme d'une réserve exonérée intangible à maintenir au passif (impactant la base imposable lors de la liquidation) à concurrence du montant de la perte d’exploitation de l’exercice comptable clôturé en 2020 avec un maximum de 20 millions d’euros telle que déterminée conformément à la législation sur la comptabilité et les comptes annuels. Toutefois pour les sociétés clôturant leur exercice comptable entre le 1er janvier 2020 et le 12 mars 2020, cette réserve est établie à concurrence du montant de la perte d’exploitation, déterminée conformément à la législation sur la comptabilité et les comptes annuels, de l’exercice comptable clôturé en 2021, également plafonnée à 20 millions d’euros. Sont exclues les sociétés qui ne sont pas soumises au régime normal de fiscalité, les sociétés qui effectuent des rachats d’actions ou parts propres, diminuent leur capital, attribuent des dividendes, ne maintiennent pas leur niveau d’emploi ou ont des liens avec les paradis fiscaux.
C. Pour les personnes physiques, possibilité de (déjà) imputer le résultat négatif escompté pour l’année de revenus 2020 lors du calcul de l’impôt dû pour l’année de revenus 2019 (exercice d’imposition 2020). L’exonération sera reprise lors de l’année de revenus 2020, de sorte que la perte pour cette année de revenus soit totalement ou partiellement neutralisée. La demande aura lieu via un formulaire distinct où sera, entre autres, justifié le montant de la perte attendue. En l'absence de perte ou de perte inférieure au montant pour lequel l’exonération a été demandée une augmentation d’impôt sera appliquée. Les entreprises qui au début de la crise étaient déjà des entreprises en difficulté au sens du C.I.R 92 ne sont pas éligibles à l’exonération.
Ces mesures sont fort intéressantes tout en étant fort techniques dans leur application, surtout combinées avec d'autres dispositions du code telle que la limitation de la déduction des intérêts.
Stephen G Hürner