6 Août 2021
Le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire fut déposé à l'assemblée le 19 juillet 2021. Son exposé des motifs mentionne "... la réponse apportée à l’épidémie de covid‑19 doit évoluer, pour concilier durablement la poursuite des différentes activités avec une maîtrise de la circulation du virus sur le territoire national, et tenir compte de l’effort de la Nation en faveur de la vaccination" (je mets en gras et souligne)..." ...le comité de scientifiques a confirmé l’importance des difficultés d’ordre sanitaire auxquelles la France aura à faire face dans les prochaines semaines, en raison de la transmission augmentée du variant Delta" . Il n'en dira pas plus.
Il s'agit, explicitement, de freiner la transmission du virus et implicitement de tenir compte des vaccinations. Ce n'est qu'en lisant le projet de loi que nous verrons que selon le législateur les personnes vaccinées transmettraient peu le virus, ce qui ne serait pas le cas pour les personnes non vaccinées.
A la date du 19 juillet le législateur estime que la vaccination protège de la transmission du virus à un point tel que la vie sociale doit impérativement, pour une raison de santé publique, n'être accessible sans frein qu'aux personnes vaccinées et avec frein aux autres. Le frein consistant à devoir se faire tester virologiquement toutes les 48 heures. En pratique ce n'est pas une contrainte théorique surtout si vous travaillez, avez un rendez-vous à l’hôpital et de surcroît s'il devient payant !
Cette préoccupation de freinage de transmission du virus est au cœur de la décision du 5 août de le Conseil constitutionnel.
"38. ... le législateur a estimé que, en l'état des connaissances scientifiques dont il disposait, les risques de circulation du virus de la covid-19 sont fortement réduits entre des personnes vaccinées ...... En adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à limiter la propagation de l'épidémie de covid-19. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.
41. .... De même, en prévoyant l'application de ces mêmes mesures aux services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux ...le législateur a circonscrit leur application à des lieux dans lesquels l'activité exercée présente, par sa nature même, un risque particulier de diffusion du virus.
43. ... les mesures réglementaires prises sur le fondement des dispositions contestées ne peuvent, sous le contrôle du juge, l'être que dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19. Elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires.
46. ... ces mesures ne sont rendues applicables au public ...que lorsque la gravité des risques de contamination en lien avec l'exercice des activités qui y sont pratiquées le justifie, au regard notamment de la densité de population observée ou prévue".
Le paysage étant posé soulignons l'importance de ce que dit le Conseil constitutionnel en ses points 43 et 46. "... les mesures réglementaires prises sur le fondement des dispositions contestées ne peuvent, sous le contrôle du juge, l'être que dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19. Elles doivent être strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu'elles ne sont plus nécessaires. ... Selon l'article 6 de la Déclaration de1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse». Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (je souligne).
Or, l’article I,1,b de la Loi publiée ce 6 aout dit “ Le II est ainsi rédigé :
« II. – A. – À compter du 2 juin 2021 et jusqu’au 31 décembre 2021 inclus, le Premier ministre peut, par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, dans l’intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid‑19 …”.
Des décrets doivent donc maintenant être pris pour implementer la Loi. Ce sont les dispositions réglementaires dont il est question au point 43 de Decision du Conseil constitutionnel. Plus particulièrement pour ce qui est du passe sanitaire il ne se justifiera que tant que les personnes vaccinées éviteront la transmission du virus par rapport aux personnes non vaccinées. Si ce n’est plus le cas le passe aurait alors une fonction qui ne répondrait plus au but de la Loi qui l’etablit et la mesure serait anti-constitutionnelle.
Il n’aura échappé à personne qu’entre le dépôt du projet le 19 juillet et la publication de la Loi ce 6 août il y a dix sept jours.
Or, dés le 31 juillet le New York Times évoquait "Dans le cadre d'une tournure inattendue et indésirable de la pandémie, le Center for Disease Control and Prevention a publié vendredi un rapport suggérant fortement que les personnes entièrement immunisées avec des infections dites de percée peuvent transmettre le virus à d'autres aussi facilement que les personnes non vaccinées". Ce qui signifie qu'une fois contaminées les personnes vaccinées transmettent le virus comme les personnes non vaccinées.
Ce qui est corroboré par une note du 6 août 2021 du Centre de Contrôle des maladies infectieuses (USA) : <<Éclosion d'infections au SRAS-CoV-2, y compris les infections à virus COVID-19, associées à de grands rassemblements publics - Comté de Barnstable, Massachusetts, juillet 2021. Les mesures d'atténuation de la transmission (NDLR:qui furent prises) comprenaient l'élargissement des recommandations de tests pour les personnes ayant voyagé ou en contact étroit avec un cas associé à un cluster, quel que soit le statut vaccinal ; des recommandations locales pour l'utilisation du masque en intérieur, quel que soit le statut vaccinal ...>> (je mets en caractères gras).
A partir du moment où le fait d'être vacciné n'évite pas de transmettre le virus comment un décret pris sur base d'une loi instituant un passe sanitaire au seul motif de freiner la transmission du virus (compte tenu "que les personnes vaccinées le transmettraient moins que celles qui ne le sont pas") pourra résister devant le Juge aux exigences explicites du Conseil Constitutionnel telles que reprises aux points 43 et 46 de sa Décision n° 2021-2 RIP du 6 août 2021 dans un cadre ou le Conseil scientifique, lui-même, écrit le 15 juillet (point 3) que le vaccin réduit "probablement mais avec moins de certitude" le risque de transmission et que selon l'Agence Européenne du Médicament il n'est pas possible de connaître l'effet de la vaccination sur la transmission du virus. Voir pour Corminaty (Pfizer). Incidemment ne pouvons-nous nous demander si l’absence désormais prouvée de l’impact certain de la vaccination sur la transmission, ajouté aux preuves de plus en plus nombreuses de l’effet diminué du vaccin après une certain période, ne rend pas tout décret caduque ?
Stephen G Hürner