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StephenHurner.com

Actualités fiscales et diverses en France .

Les SCI translucides, les constructions juridiques, la taxe Caïman, non elles ne sont pas concernées.

Amendé le 8 août 2024.

Nous avons déjà commenté la question des sociétés civiles immobilières (SCI) françaises de l'article 8.1 CGI, dites translucides, mettant en question leur qualification de construction juridique au sens du CIR 1992 et leur soumission à une transparence fiscale en Belgique résultant en une taxe dite Caïman.

Nous sommes d'avis que l'article 2, § 1er. 13°, b, alinéa 2,2° CIR 1992 ne peut leur être appliqué car si les SCI translucides sont bien des sociétés "dont les revenus sont imposés dans le chef des associés ..." tel est aussi le cas des SCI transparentes. Or, le législateur n'a voulu viser que ces dernières. L'analyse de l'historique ayant conduit à l'insertion de cette exigence de "revenus  imposés dans le chef des associés" de même que les commentaires du Ministre des finances dans les travaux parlementaires de l'article 32 de la Loi-Programme du 22 décembre 2023 publiée au Moniteur belge du 29 décembre 2023 témoignent que le législateur ne vise que les SCI transparentes (voir le I.a) de ma note du 6 juillet).

C'est donc avec intérêt que nous avons lu l'article de Messieurs Denis-Emmanuel Philippe et Olivier Willez «De Franse ‘société civile immobilière’ in het vizier van de kaaimantaks publié" dans Fiscale Actualiteiten (KLuwer Belgium) nr 25 dés lors que ces auteurs sont d'un avis différent.

A.  Notons en premier lieu qu'ils estiment que leur opinion, que nous analyserons par la suite, est appuyée par les travaux préparatoires et la doctrine.

     A.1  Par travaux préparatoires ils visent le Rapport au Roi de l'Arrêté Royal du 21 novembre 2018 modifiant un Arrêté Royal du 18 décembre 2015 (2) et les travaux parlementaires de la Loi-Programme susmentionnée (4).

L'AR du 21.11.2018 modifie un article de l’AR 18.12.2015 comme suit " Conformément à l'article 2, § 1er, 13°, b, alinéa 2, du CIR 1992, sont des constructions juridiques les sociétés ... qui possèdent la personnalité juridique, ... établis au sein de l'Espace Économique Européen et repris dans la liste suivante : 2° une société qui n'est pas incluse dans le champ d'application de l'article 29, § 2, du Code précité et dont les revenus sont imposés dans le chef des associés ...; (je mets en caractères gras).

Nous retrouvons le texte de l'article 2, § 1er. 13°, b, alinéa 2,2° CIR 1992 inséré par la Loi-Programme du 22 décembre 2023 bien qu'entretemps ledit AR fut supprimé.

Dans le Rapport au Roi dudit AR il est dit "Entre ensuite en ligne de compte les sociétés dont les revenus sont, en vertu de la législation fiscale de l’État ... où cette société est établie, imposés dans le chef des ... associés de cette société. Cette disposition vise donc les sociétés qui, dans l’État ou la juridiction dans laquelle sont établies ces sociétés, disposent de la personnalité juridique conformément au droit civil, mais dont l'impôt sur les revenus est ultimement perçu dans le chef de l'actionnaire ou associé sous-jacent. Par conséquent, celles que l'on appelle les "sociétés translucides" (comme la société civile française) qui disposent de la personnalité juridique conformément au droit civil français et qui n'ont pas choisi d'être imposées distinctement sont en principe également visées par cette disposition".

Une société française ayant une personnalité juridique d'un point de vue civil dont l'impôt sur les revenus est ultimement (sic) perçu au niveau des associés, sans avoir effectué le choix d'être imposée distinctement (sic) serait d'office une SCI dite translucide ?. Il s’agit d’une simple affirmation incomplète puisque les SCI transparentes de l’article 1655 ter CGI répondent aussi à ces caractéristiques. Pourquoi ne mentionner que les SCI translucides dans ce rapport ? Soulignons “celles que l'on appelle les "sociétés translucides" (comme la société civile française). Il eut été plus correct de dire “comme une des formes de la société civile française)’

Le débat est complexe et délicat car si les SCI translucides sont "imposées au niveau des associés" il reste que pour elles le seul sujet fiscal, d'impôt est la société et que l'imposition des bénéfices au niveau des associés après un second retraitement lors du calcul de leur base imposable ne constitue qu'une modalité de perception de l'impôt perçu au nom des associés, non au nom de la SCI sachant qu'il ne suffit pas de constater que le montant de l’impôt dû sur le revenu de la société est établi en fonction des caractéristiques personnelles de ses associes pour conclure que la société doit être regardée comme n’étant pas elle-même assujettie à l’impôt. La SCI translucide est un sujet fiscal distinct de ses associés sans être un contribuable.

Dans le Rapport au Roi de l'Arrêté Royal du 21 novembre 2018, à part une affirmation, ex abrupto, rien ne permet de conclure que les modifications de l’AR concernent les SCI translucides. Elles pourraient tout aussi bien concerner les SCI transparentes. La mention dans le Rapport au Roi de l'Arrêté Royal du 18 décembre 2015 publié le 29 décembre 2015 des sociétés en commandite luxembourgeoises qui elles sont transparentes milite en faveur de  l'opinion selon laquelle ce sont des SCI transparentes et non translucides qui y sont visées.

Une lecture attentive des commentaires du Ministre lors des travaux parlementaires de la Loi-Programme du 22.12.2023 conforte que l'article 2, § 1er. 13°, b, alinéa 2,2° CIR 1992 concerne la SCI transparente (point I.a.2)-(4). 

L'erreur du Ministre et l’affirmation dans le Rapport au Roi de l’AR du 21 novembre 2018 sont un classique en Belgique où peu de personnes distinguent les SCI translucides des SCI transparentes d'autant plus que les SCI translucides sont aussi appelées semi-transparentes. Pour exemple la Question n° 1067 de M. Van der Maelen dd. 11.01.2006 ( cliquer sur 'J'ai compris").

Concluons en affirmant que considérer, sans démonstration, que les travaux préparatoires de l'AR du 21.11.2018 et ceux de la Loi-Programme du 22.12.2023 appuieraient que les SCI dites translucides tomberaient dans la toile des constructions juridiques pour se voir traiter comme transparentes par le droit fiscal belge et donc soumises à la taxe Caïman est léger.

     A.2  Par doctrine les auteurs de l'article citent Messieurs B. Peeters en G. Verachtert (ed.), De Kaaimantaks: panta rhei, Wolters Kluwer, Mechelen, 2019, p. 248-249.

Lisons:

"341. Généralisation des entités hybrides inversées - En principe, une construction juridique de type 2 est désormais définie comme : « une société qui n'est pas comprise dans le champ d'application de l'article 29, §2 du Code précité et dont les revenus sont imposés par l’État ou la juridiction où cette société est établie dans le chef de ses associés ou actionnaires ».

Sont donc visées les personnes morales qui ne sont pas qualifiées de fiscalement transparentes en Belgique, mais qui, du fait de leur qualification de fiscalement transparentes, ne sont pas imposées elles-mêmes dans leur État de résidence. Selon l'exposé des motifs, ce régime intègre également en principe le régime français de la « translucidité ». Il s'agit néanmoins d'un régime dans lequel une entité (l'exemple le plus courant étant la SCI) est elle-même redevable de l'impôt, mais celui-ci est calculé dans le chef des associés et selon le régime fiscal qui leur est applicable. …". (5). (je mets en caractères gras & souligne).

Notons qu'en droit fiscal français une SCI translucide n'est pas "qualifiée de fiscalement transparente" (6). Ensuite que les auteurs de cette doctrine se satisfont, sans analyse, des commentaires effectués dans le Rapport au Roi de l'AR du 21.11.2018 puisqu'ils écrivent "Selon l'exposé des motifs, ce régime intègre également en principe le régime français de la « translucidité".

Considérer que la "doctrine" * appuierait que les SCI dites translucides tomberaient dans la toile des constructions juridiques pour se voir traiter comme transparentes en droit fiscal belge et soumises à la taxe Caïman est tout aussi léger.

B.  Quelle est, in fine, l'opinion des auteurs de l'article publié dans Fiscale Actualiteiten nr 25 ?

Ils rappellent que "Cette catégorie d' « entités hybrides » regroupe donc les entités qui ne sont pas transparentes fiscalement en Belgique (en raison de leur personnalité juridique) mais dont les revenus sont néanmoins imposés dans le pays d’établissement dans le chef de leurs associés".

Ensuite que "Les SCI translucides sont, selon le droit fiscal français, des sociétés dotées d'une personnalité juridique propre, clairement distincte de celle des associés. L'impôt sur les bénéfices est calculé et établi au niveau de la SCI elle-même (en tant que sujet fiscal), mais le paiement de l'impôt incombe aux associés, même si les bénéfices ne sont pas effectivement distribués. La « translucidité » est donc un mode de perception de l'impôt, et ne doit donc pas être confondue avec la transparence " (je souligne).

En concluant << A notre avis, la catégorie des entités hybrides comprend celles qui ne sont pas transparentes d'un point de vue fiscal belge mais qui sont transparentes ou « translucides » au niveau de leur pays d'origine. En effet, la définition légale prévoit comme seule condition que les revenus de la société soient « imposés dans le chef des associés ou des actionnaires » (Art. 2, 13° b alinéa 2, 2° CIR 92). Comme déjà mentionné, cela concerne le cas d'une SCI translucide >>" (je mets en caractères gras).

Dire que,

  1. "L'impôt sur les bénéfices est calculé et établi au niveau de la SCI elle-même" est erroné et entraîne la perversion qui voudrait que les associés paieraient un impôt au nom de la SCI, ce qui est faux.
  2. la  « translucidité » est un mode de perception de l'impôt " est déroutant,
  3. les sociétés hybrides (à lire seulement le texte du CIR 1992) couvrent soit des sociétés  "transparentes" ou " translucides » au niveau de leur pays d'origine est correct.

Après avoir dit correctement que la SCI translucide était un sujet fiscal avec une personnalité juridique “distincte de celle de ses associés “, que le “paiement de l’impôt” incombait aux associés et que “la translucidité était un mode de perception de l’impôt “et erronément que "l'impôt sur les bénéfices est calculé et établi au niveau de la SCI elle-même" ils concluent, avec raison, qu’elle est imposée dans le chef de ses associés, tombant, selon eux, dans le champ d’application de la taxe Caïman alors que le texte de l’article 2, § 1er, 13°, b, alinéa 2, 2° du CIR 1992 vise les SCI transparentes. Certes cet article pourrait viser tant les SCI transparentes que translucides, les deux étant imposées au niveau des associés mais les Rapports au Roi des AR du 18 décembre 2015  et 21 novembre 2018 avec les travaux parlementaires de l'article 32 de la Loi-Programme du 22 décembre 2023 publiée au Moniteur belge du 29 décembre 2023 témoignent que le législateur vise uniquement les SCI transparentes.

En note (8) infra, quelques commentaires sur les conséquences de la translucidité tirés de l'excellent ouvrage de Monsieur Bruno Gouthière "Les impôts dans les affaires internationales" - 17e édition - Lefebvre Dalloz.

Conclusion: Si le texte de l'article 2, § 1er, 13°, b, alinéa 2, 2° du CIR 1992 peut concerner les SCI translucides et transparentes, les deux étant "imposées au niveau des associés", ce qui couvre deux mondes différents, il reste que le législateur, à notre sens, a voulu couvrir les seules SCI transparentes. Ce n'est pas parce qu'à deux reprises il est affirmé dans les travaux préparatoires, ex abrupto, qu'il est question de SCI translucides alors que seules des SCI transparentes sont décrites qu'il faut s'en satisfaire. Considérer que ces affirmations, sans justifications, entraînent la qualification des SCI translucides comme des constructions juridiques est léger.

Stephen G Hürner

(*) Je mets entre guillemets.

(1) -

(2) https://etaamb.openjustice.be/fr/arrete-royal-du-21-novembre-2018_n2018015025

(3) https://www.legalplace.fr/guides/sci-transparente/

(4) Voir I.a.2 dans Les SCI & la taxe Caïman? Quelques progrès.

(5) << Aldus worden de rechtspersonen geviseerd, die in België niet fiscaal transparant worden geclassificeerd, maar als gevolg van een fiscaal transparante classificatie in hun woonstaat zelf niet worden belast. Volgens de memorie van toelichting wordt ook het Franse regime inzake 'translucidité' hiermee in beginsel geïntegreerd. Dit is evenwel een regime waarbij een entiteit (meest voorkomende voorbeeld is hier de SCI) zelf belasting verschuldigd is, maar deze wordt ingevorderd in hoofde van de aandeelhouders en volgens het belastingregime dat op hen van toepassing is. Het eventuele belang van dit onderscheid lijkt evenwel ongedaan te worden gemaakt door de verdere uitsluitingen. Zo zal het inkomen van een translucide vennootschap wellicht worden belast aan minimaal 1 %, terwijl bovendien de buitenlandse (onroerende) inkomsten in België waren vrijgesteld bij rechtstreekse verkrijging>>.

(6) Point 110, circulaire BOI-RFPI-CHAMP-30-20 - https://bofip.impots.gouv.fr/bofip/1237-PGP.html/identifiant%3DBOI-RFPI-CHAMP-30-20-20170614

(7) -

(8) 

  • << La manière de voir exprimée par la France dans les commentaires du modèle de convention fiscale de l'OCDE ne fait que tirer les conséquences du droit interne français qui décide qu'une société de personnes est un "sujet fiscal" même si l'imposition n'est pas établie en son nom mais à celui des associés (nr 31340). N'étant pas fiscalement transparentes, les sociétés de personnes françaises doivent être considérées comme des personnes morales aux fins d'imposition, assujetties à l'impôt puisqu'il s'agit de sujets fiscaux quoiqu'il ne s'agisse pas de contribuables >>.(en caractères gras dans le texte original).{page 641 - n° 31558 }.
  • << Certes, on sait que, dans les sociétés civiles, le régime fiscal est tel que l'imposition est, en réalité, établie au nom de chaque associé, à hauteur de ses droits dans les bénéfices sociaux. Mais cela ne constitue qu'une modalité particulière de recouvrement de l'impôt dû par la société. Il n'en reste pas moins que la société continue d'être traitée comme la personne imposable et qu'en cas de vérification, par exemple, ce sont bien les comptes de la société, et non ceux des porteurs, qui seront vérifiés. On se trouve donc simplement en présence d'un cas particulier de "sociétés de personnes" (nr 30200 s) >>. (en caractères gras dans le texte original). (page 1165 - n°67170).

  •  « l'administration indique à ce propos que les sociétés ou groupements soumis au régime fiscal des sociétés de personnes ont une personnalité fiscale distincte de celle de leurs associés ou membres, qu’ils constituent des sujets d’imposition et, si elles ont leur siège en France, qu’elles ont la qualité de résident de France au sens des conventions fiscales conclues par la France lorsque les conditions requises par les dispositions pertinentes de ces conventions sont remplies ». (page 540 - n° 31555).

 

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