J'invite ceux et celles concernés par les sociétés immobilières françaises et leur insertion, ou non, dans la sphère des constructions juridiques de l'article 5/1, §1er, alinéa 1er CIR 1992, donc d’une taxation par transparence en Belgique, à découvrir l'analyse intéressante, fouillée, complexe sur la question de Madame Valérie-Anne de Brauwere et Monsieur Nicolas Thémelin parue en août dernier dans le n° 2024/2 de la Revue de Planification Patrimoniale belge et internationale - RPPI (pages 117-167/ Larcier Intersentia) sous le titre "Taxe Caïman 3.0: le Crocodile aux dents trop longues".
Cette étude embrasse toute la question des constructions juridiques et de tous ses types. Je me limiterai à noter, brièvement, quelques points concernant uniquement les SCI.
Les auteurs ont déjà abordé la question dans un article publié notamment le 5 juillet 2024 dans l’Echo. be « Les Sociétés Civiles immobilières (SCI) françaises doivent-elles être déclarées dans le cadre de la taxe Caïman 3.0 ? »
- Dans l’article publié en août dernier ils réaffirment et établissent que la SCI qui « ne loue pas la maison, laquelle est uniquement mise à la disposition gratuitement de ses associés … » … « ne devrait dés lors pas payer d’impôts en Belgique. Il s’ensuit que la SCI ne serait pas qualifiable de construction juridique … » (page 137) (1) Ne boudons pas notre plaisir.
- Ils réaffirment et démontrent que, à supposer que la SCI soit une construction juridique « Il n’y aurait pas de base imposable à l’IPP dans le chef du fondateur-associé. En effet, l’article 5/1 du CIR taxe par transparence les <<revenus perçus>> par le fondateur. Or, dans le cas d’un immeuble non loué , il n’y a pas de revenus perçus. Et les revenus fictifs, … ne constituent pas un revenu perçu » (je mets en caractères gras) - (page 139) (2). Effectivement il faut taper sur le clou et inviter les nombreux commentateurs qui ont écrit sur la SCI et la taxe Caïman à se satisfaire de la lecture du texte qui exclut tout revenu non perçu du débat.
Avec regret il faut noter que les auteurs font tomber d’office les SCI translucides dans le champ d’application des modifications apportées en décembre 2023 par le législateur à la définition des constructions juridiques. Des incohérences du Ministre des Finances dans les documents préparatoires de la loi Programme du 22 décembre 2023 et de l’historique qui a conduit à ces modifications il n’est point question. Lorsqu’ils écrivent « La position du ministre des finances dans le cadre des travaux parlementaires est plus qu’étrange sur les SCI. …. Ensuite, le délégué du ministre semble considérer que les SCI sont « automatiquement » une construction juridique. Or, comme on l’a vu ci-dessus tel n’est pas le cas », à l’évidence un doute les effleure mais cela ne les empêche pas de considérer la parole ministérielle et de celle du délégué comme d’Évangile, sans analyse historique des modifications de la législation, notamment par la lecture des rapports au Roi dans un contexte difficile où le législateur confond translucidité et transparence. Si la position du Ministre est "plus qu'étrange", il y a doute et le doute doit profiter au contribuable sans tirer des conclusions des commentaires incohérents d'un Ministre ignorant ceux de sa propre administration. Si la position du Ministre est "plus qu'étrange" c'est peut-être parce qu'il ne vise que les SCI transparentes, pas les translucides ?
Soulignons aussi que si les SCI translucides tomberaient dans le champ des constructions juridiques c’est en raison du fait que leurs revenus sont « imposés dans le chef des associés ...par l’État .... » mais pas de débat également sur cette « imposition » bien particulière des SCI translucides où s’il y a imposition dans le chef des associés il reste que le sujet d’impôt est la société. Cette question ne se posant pas en présence de SCI fiscalement transparentes donc non translucides.
In fine, lorsque les auteurs écrivent « qu’aucun revenu cadastral « à la belge » pour l’immeuble logé dans la SCI ne doit être demandé (pages 139 et 140) dés lors que « Les revenus d’un immeuble détenu par une SCI en France ne sont imposables qu’en France conformément aux dispositions de la convention préventive de la double imposition franco-belge actuellement en vigueur » nous ne partageons pas leur opinion. A notre sens il n’y a aucun revenu cadastral « à la belge » à solliciter car …. Le texte de loi de l'article 471, §1er, 2°,b) CIR 1992 ne vise pas les SCI translucides mais les SCI fiscalement transparentes.
En relisant l'article je note à la page 136 qu'il est écrit "Ceci implique que la SCI ne devait pas être mentionnée comme une « construction juridique » dans la déclaration à l'impôt des personnes physiques (ce qui vaut également pour l'année de revenus 2023 - exercice d'imposition 2024). Comme expliqué ci-dessus, l'arrêté royal précité a été abrogé par l'article 42 de la loi-programme du 22 décembre 2023 et l'exception dont bénéficiaient les SCI, et de manière générale toutes les sociétés immobilières étrangères, a tout simplement disparu de la nouvelle formulation reprise à l'article 2, § 1er, 13°, du CIR.
Pour exclure la qualification de construction juridique, il convient donc désormais de vérifier si les revenus de la SCl sont soumis, dans le chef de l'associé résident fiscal belge, à un impôt sur les revenus français .... ". (je souligne).
Que le lecteur fasse attention.
Si, dans le cadre de la Loi-Programme du 22 décembre 2023 (Moniteur belge 29.12.2023) vous estimez que votre SCI tombe dans le champ du nouvel article 2, § 1er, 13°, b), alinéa 2,2° CIR 1992, c'est donc dés la déclaration fiscale de l'année 2024 pour les revenus de 2023 qu'il vous faut mentionner la seule existence de cette SCI/Construction juridique alors même que le mécanisme de la transparence n'aura d'impact éventuel que dans la déclaration de 2025 pour l'année de revenus 2024. En effet, s’il faut déclarer en 2024 l’éventuelle construction juridique de l'année de revenus 2023 seuls les revenus recueillis, attribués ou mis en paiement à partir du 1er janvier 2024 seront à déclarer dans la prochaine déclaration de 2025. Ce n'est pas sans effet pervers puisque dés qu'une entité française est déclarée comme "Construction juridique" cela peut avoir un impact pendant ... trois ans (voir l'article 21 CIR 1992).
Les auteurs de l'article publié en 08.2024 le sous-entendent certes mais précisé c'est mieux.
Stephen G Hürner
(1) Dans leur article précédent publié dans l’Echo.be ils écrivaient : « les SCI qui ne détiennent qu’une maison secondaire occupée par la famille ne seront pas des constructions juridiques ».
(2) Dans leur article précédent publié dans l’Echo.be ils écrivaient « 4. En tout état de cause, pas d’imposition. Quand bien même la SCI constituerait une construction juridique - quod non - aucun impôt complémentaire ne serait dû en Belgique…. En effet, l’article 5/1 du CIR impose par transparence « les revenus perçus ». S’il n’y a pas de location, il n’y a pas revenus perçus) ».