6 Octobre 2024
Nice, 06 octobre 2024
En février 2024 j’écrivis une note intitulée « La Défenseure des droits fait-elle encore du droit ? » vue trois à quatre cents fois. Je terminais par la mention d’un recours ultime auprès du Tribunal administratif de Nice qui … le rejeta en quelques heures.
J’ai quelque peu retravaillé cette note qui s’insère dans un contexte plus global à savoir que pour beaucoup de personnes, de docteurs et professeurs c’est toute une approche qu’il faut changer. Trop de services dans trop d’hôpitaux s’écroulent, non, sont par terre, mais est ce un manque d’argent, une mauvaise allocation où, aussi, l’attitude de trop de responsables face au patient qui n'est pas un "sujet à actes" mais un partenaire dans les soins.
Face aux problèmes que rencontrent les usagers de l’hôpital public, je fus amené à solliciter en 2023 l'intervention du Défenseur des droits pour répondre à quatre questions.
Incidemment, est-il normal que dans sa réponse à ma réclamation le Défenseur des droits écrit "l’équipe médicale a conclu de façon unanime à une absence (d’HTAP) …" alors qu'un docteur spécialiste du CHU a écrit "Probabilité faible ...... ce jour" vu qu'une probabilité faible n'est pas une absence de risque. Une telle phrase du Défenseur donnant l’impression de relayer un avis médical pourrait conduire un patient lambda à abandonner le suivi de son dossier.
Dans le contexte de ma réclamation auprès du Défenseur des droits j'invoquais la violation par l’hôpital de plusieurs articles du Code de santé publique mais surtout le caractère infondé d’une rupture de confiance effectuée manu militari sans aucune discussion par un chef de service relevant de l'abus de pouvoir.
Mon analyse fut inspirée par un article passionnant de Madame Chloé Leduque "L’évolution de la relation patient-médecin : qu’en est-il du contrat médical ? Les Cahiers Louis Josserand, février 2023" (Lexbase) et communiqué au Défenseur des droits. Article démontrant l'obsolescence de cette notion de "contrat de confiance" dans un environnement légal modifié par la Loi du 4 mars 2002 (loi Kouchner) et où le médecin qui m'accueillit me dit, tout de go, que je lui avais été "attribué" ! (Sic). Ces mots excluant déjà tout contrat.
J'ai développé une violation de plusieurs articles du code de santé publique: le L1110-1, le patient a un « droit fondamental à la protection de la santé » qui « doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne », le L1110-2 : le patient a droit au « respect de sa dignité », le L1110-3, avant-dernier alinéa "un refus de soins (NDLR: ne peut être) fondé (NDLR: que) sur une exigence personnelle ou professionnelle essentielle et déterminante de la qualité, de la sécurité ou de l'efficacité des soins », le R-4127-2 et R-4127-7.
J'ai mentionné que je fis face à un système sans humanité, ni respect pour des légitimes inquiétudes, pour lequel le patient est un sujet qui se doit d'être passif, aux ordres alors qu'il n'y a pas de bonne médecine sans le patient qui, à mon sens, a un droit absolu à se voir expliquer, dans un délai raisonnable, oralement les résultats des actes prodigués ainsi qu'à une gestion respectueuse de son agenda sans avoir à lutter pour cela, bref à la dignité, que là seul gisait le débat. Tout étant question de proportionnalité.
Devoir envoyer trois courriels pour avoir une réaction deux mois après un premier rendez-vous et pouvoir, passé six semaines après le dernier acte technique, écouter son médecin commenter les résultats n'est pas proportionnel. Encore moins le fait de laisser un patient sans fixation de rendez-vous pendant deux mois après l'annonce d'un acte ni de le voir fixer cinq mois après sans la moindre explication. En ajoutant "Combien de temps eusse je dû attendre sans mes demandes ? Est-ce, cela, une gestion raisonnable, respectueuse du patient ? ".
Dans le cadre de ma réclamation pour violation de mes droits par un service d’un CHU auprès du Défenseur des droits j’ai exposé les faits, ai fait du droit et ai tenté d'expliquer pourquoi l'attitude d’une personne et de son chef de service ne pouvait être admise.
Six mois passés après l'introduction de ma réclamation, sans débat ni questionnement, la réponse du Défenseur des droits se résume comme suit:
"S’agissant du service de .... la direction du CHU affirme que les délais de réponse du docteur .... et de réalisation de l’examen .... sont des délais ordinaires."
"Par ailleurs, la direction ... explique qu’en rompant le contrat de confiance qui vous liait au service ......., le docteur .... n’avait aucune obligation de justifier sa décision". (je mets en caractères gras).
Le Défenseur conclut "La procédure ouverte auprès du Défenseur des droits est donc désormais achevée".
On cherchera en vain une réponse en droit à mon argumentation invoquant une violation de maints articles du Code de santé publique. Le Défenseur des droits se contentant de prendre l'avis de la direction du CHU et du service concerné (voir "la direction du CHU affirme" et "la direction ... explique") conclut : "En conséquent, ces éléments ne mettent pas en évidence des faits susceptibles de qualifier une défaillance du service public portant atteinte à vos droits" (Je mets en caractères gras).
Le débat que je portais à l'attention du Défenseur des droits nous concerne tous face à la situation catastrophique du secteur de santé public. Il s'agit de savoir, en droit, si face à un problème de santé les délais que j'ai vécus sont justifiés ? Est-ce que voir un médecin rester assis pendant six semaines sur des comptes rendus est en droit normal, est-ce qu'il est admissible qu'un patient doive se battre poliment, envoyer trois courriels, pour pouvoir parler à son médecin deux mois après un premier contact, est-ce qu'il est acceptable qu'un rendez-vous à un acte technique requiert deux mois pour simplement être fixé, est-ce que s'en inquiéter justifie qu'un Professeur chef de service invoque une rupture de confiance sans aucun débat ?
Ces questions taraudent beaucoup d'usagers du service public. Le Défenseur des droits dont la mission est de défendre les personnes dont les droits ne sont pas respectés et de permettre l’égalité de tous s'est contenté de ... prendre l'avis du CHU et d'en conclure qu'il n'y avait pas de" faits susceptibles de qualifier une défaillance du service public portant atteinte à vos droits" (Je mets en caractère gras).
Faut-il s'étonner de ces conclusions puisqu'elles sont basées sur la seule opinion de l'institution incriminée ? Où est la réponse aux violations que je mentionne au Code de santé publique ?
Il s’agit d'une maltraitance juridique puisqu’aucun de mes griefs en droit ne fut analysé, le Défenseur des droits s'étant basé sur les seuls avis de la direction du CHU pour classer sans suite ma requête.
Notons aussi que la Commission des Usagers (CDU) du CHU concerné fut d’une inutilité absolue. Il était patent que le patient et ses droits n’étaient pas sa préoccupation qui fut avant tout de protéger l’hôpital. Par ailleurs elle partait du postulat que le médecin agit comme Dieu, sans contestation possible, lors d’une rupture d’un contrat de confiance puisque prise dans le contexte du secret médical, ce qui est erroné en droit. Cette même CDU ne nota pas qu’en me proposant « une liste de médecins en mesure d’assurer la continuité des soins » le chef de service violait, pour un autre motif, le droit ! En effet, le service concerné du CHU étant un centre de référence pour le problème de santé qui m’a amené à le consulter en aucune façon cette liste de médecins ne pouvait le remplacer.
Face à la décision du Défenseur des droits de ne pas instruire ma réclamation au mépris de l’équilibre des armes puisque la seule opinion de l’institution mise en cause fut retenue sans analyse juridique critique, attitude qui vide de son sens la création par la Constitution du Défenseur des droits, j’introduisis avec espoir un recours auprès du Tribunal administratif de Nice pour que mon dossier soit rouvert - par le Défenseur des droits - dans le cadre d'une analyse en droit équitable.
En effet, son refus d’instruire ma réclamation ne peut être admis non seulement parce qu'il y a un déni de justice mais parce que je note que dans la Décision du 26 février 2021 du Défenseur des droits n°2021-030, il prend une position de justice analysant la plainte quant au fonctionnement du service public, la réponse du préfet (relevant également du satisfecit) et qu'il effectue une analyse en droit ne se satisfaisant pas des réponses pro domo du préfet.
Dois-je conclure que les modalités de gestion des patients par un hôpital public quant à la communication des résultats, quant aux rencontres avec le praticien de santé, quant à la gestion des rendez-vous et en présence d'un abus de pouvoir d'un chef de service sont moins importantes que des problèmes rencontrés lors de demandes de naturalisations ?
A l’évidence. Mais la saga ne s’arrêta pas là, je dus boire le calice jusqu’à la lie.
J’introduisis un recours auprès du Tribunal administratif de Nice en mars 2024 pour contraindre le Défenseur des droits à rouvrir ma réclamation, l’analyser en droit et la traiter en équité.
Le Tribunal réagit immédiatement en me faisant savoir que le « courrier du Défenseur des droits ne constitue pas une décision administrative qui s’impose aux personnes concernées et susceptible comme telle de faire l’objet d’un recours ».
En d’autres mots, la Constitution aurait créé une institution aux fins de défendre les droits des citoyens, le Défenseur des droits, en lui laissant, sans aucune contestation possible, le choix d’instruire ou non une réclamation en se fondant sans analyse factuelle ni en droit, au gré de ses caprices, de ses choix politiques, de son humeur, sur le seul avis de l’entité incriminée ?
Entendons-nous bien ! Je ne conteste que le refus de traiter une réclamation en la rejetant avec comme seul point d’appui l’opinion de la partie adverse. Je ne conteste pas le rejet d’instruire une réclamation mais le motif unique invoqué.
Je reste convaincu qu’un Professeur d’un service d’un CHU a violé mes droits, sa mission, de même pour la CDU, de même pour le Défenseur des droits, de même pour le Tribunal administratif de Nice, trop rapide dans sa décision de rejet où l’argumentation me semble fort générale. Le Président de la 5ème Chambre a-t-il seulement vu le problème ? S’est-il rendu compte que le rejet de ma réclamation par le Défenseur des droits sur la base du seul avis de la partie incriminée vide de sens l’institution même ? Qu’à ce titre la voie d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité était ouverte ?
En recourant au Défenseur des droits j’ai voulu éviter une publicité inutile et dommageable. Il ne s’agissait pas d’une question personnelle. Les personnes concernées d’un service d’un CHU n’ont pas compris, dommage pour leurs patients.
J’arrête ici ma quête de Justice, le système a gagné. Il a fallu du temps, trop, pour que la parole des femmes soit entendue, il en faudra plus pour que celle des patients le soit car ce n'est pas un sujet de médiatisation.
Stephen G Hürner